Mes outils pour corriger mes romans
Pour commencer
J’ai toujours trouvé qu’il manquait de ressources autour des corrections par rapport au nombre incalculable de vidéos, articles et même livres autour de l’écriture du premier jet. Je le comprends, c’est bien plus facile de traiter le cas des premiers jets car le but est clair : écrire le mot “fin” ou “à suivre dans le tome 2”. Mais c’est aussi dommage car on passe généralement beaucoup plus de temps à corriger qu’à écrire.
Aux corrections, tout se complique. On ne peut plus reporter la résolution des problèmes à plus tard, et, surtout, c’est difficile de savoir quand les corrections sont “terminées”, ou plutôt suffisantes.
Si je fais partie des personnes qui aiment la phase de corrections, ce n’est jamais simple et il n’y a pas de solutions magiques pour savoir quoi corriger, comment les corriger, et quand s’arrêter. De plus, chaque texte a ses particularités, a un niveau de maturité variable, a eu ou non des retours extérieurs pour s’orienter, ce qui rend chaque passe différente.
Mon but sera donc de donner mes outils à utiliser et modifier à votre guise. en précisant pourquoi je les utilise, quand je les utilise, etc… À noter qu’il s’agit surtout d’outils pour des corrections de fond assez importantes.
Également, même si les outils sont présentés dans un certain ordre, je passe de l’un à l’autre en fonction des besoins, de mes idées et de mes envies sur le moment.
Mais assez parlé ! Allons-y !
L’objectif
Ma toute première étape est de savoir ce que je veux au terme de cette phase de corrections. Actuellement, j’ai eu surtout un cas : avoir une version propre à envoyer à des bêta-lecteurices. Ça veut dire corriger le fond pour que ça colle à ce que je veux, retirer des incohérences et des facilités, et corriger un minimum la forme (orthographe et répétitions les plus flagrantes). Je peux encore avoir des interrogations plus ou moins grosses sur certains passages, le but de la bêta-lecture étant de confirmer ou non mes doutes.
Poser ce “droit à l’incertitude” m’aide à ne pas corriger en boucle le texte, à l’envoyer une fois que j’ai corrigé ce qui me paraissait le plus important. En plus, à chaque bêta-lecture, ce que je pensais moins bon s'avère finalement ok et on me remonte des points que je pensais solides.
Pour “Apprendre la peur”, la prochaine phase sera de corriger en vue de soumissions éditoriales. Ça impliquera une relecture très attentive après avoir corrigé les derniers retours, la rédaction de pitch, de synopsis et d’une note d’intention. Je ne peux plus rien reporter à plus tard, donc je compte un peu dévier de mes outils.
Ici, je me concentrerais sur mes outils pour les “gros travaux” donc plutôt pour des corrections pour envoyer en bêta-lecture.
Date et planning
J’ai pris l’habitude de me fixer une date à laquelle j’aimerais avoir fini de corriger. C’est quelque chose qui me motive, qui m’aide à me projeter, à mieux comprendre mon fonctionnement, ce que je peux accomplir en un temps donné (si la vie ne s’en mêle pas trop), et quand je m’y tiens, ça me fait vraiment plaisir (ce qui arrive de plus en plus souvent !).
Je me fais aussi une sorte de planning grossier. Mes romans en cours de travail étant divisés en quatre parties plus ou moins égales en taille, j’ai tendance à me fixer un mois par partie, et un mois de rab’ pour le plan de corrections au début et la passe de forme à la fin.
Ça me permet de savoir à peu près quand je vais pouvoir envoyer le texte en bêta-lecture, ça me motive à avancer régulièrement et en un coup d'œil, je sais ce que je devrais avoir corrigé pour quelle semaine dans le meilleur des mondes.
Clairement, c’est très personnel et je sais que ce genre de procédé peut plus stresser qu’autre chose (même si c’est juste pour nous), surtout si on se force à s’y tenir coûte que coûte (bonjour le burn-out…).
Le tableau de progression
À chaque phase de corrections, j’ai un (ou plusieurs) moment où je doute de tout, j’ai l’impression que je ne finirais jamais, etc… Tout le monde connaît ça.
Une de mes béquilles dans ces moments-là, c’est mon tableau de progression qui récapitule tout ce qu’il me reste à faire par chapitre, et aussi, ce que j’ai déjà accompli.
Voilà ce que ça donne pour mon projet en cours, à l’heure où j’écris ces lignes (à la place de corriger, certes). Dans l’ordre on a le nom du chapitre (séparé en partie dans mon cas), le nombre de pourcent dédié, le pourcentage déjà réalisé, un commentaire sur la quantité de travail (pour m’aider à savoir ce qui m’attend) et la date à laquelle j’ai fini de corriger le fond, histoire de voir que mine de rien, ça avance bien !
C’est un document qui peut bouger (typiquement, je viens de rajouter un chapitre dans ma partie 2 comme j’ai revu le découpage) et que j’aime remplir à chaque “victoire”. C’est encore plus le cas quand je fais les corrections de forme que je trouve ultra-chiante. Là, pour chaque chapitre, j’ai un point dédié à la relecture et un point pour le passage dans Antidote, de quoi me motiver !
Trouver quoi corriger
Je veux quoi avec ce texte en fait ?
Cette question, c’est mon phare dans la nuit, celle qui me guide face aux retours contradictoires, aux doutes, aux questions existentielles de type “mieux vaut aller dans telle ou telle direction pour cette scène/chapitre/partie ?” ou encore “Est-ce je devrais abandonner ce projet ?”. C’est car j’y ai répondu que j’ai réussi à aller au bout de chaque phase de corrections (et aussi au bout de mes premiers jets). Ça tient motivé de savoir ce qu’on veut pour un texte, pourquoi on passe des mois à s’arracher les cheveux dessus, d’autant que c’est souvent lié à quelque chose de personnel.
À mon sens c’est vraiment la première chose à poser à l’écrit, à étayer petit à petit et à garder précieusement. Et si on l’avait déjà fait avant, lire et relire notre réponse, l’adapter si besoin, car la réponse n’est pas toujours évidente, surtout au début de notre parcours. Pour “Ces ombres sous ma peau”, j’ai littéralement mis plusieurs années à comprendre ce texte.
Dans tous les cas : s’en imprégner et y revenir à chaque doute.
S’aider des bêta-lectures
Si on a la chance d’avoir eu des retours extérieurs pour un texte, c’est le moment de s’appuyer dessus.
J’ai dans mes cartons un guide sur comment recevoir des bêta-lectures, ça va être long, donc je vais résumer ici !
Déjà, si ce n’est pas déjà fait : prendre le temps de digérer les retours, de poser des questions, d’appeler la personne… C’est souvent un moment difficile. On peut avoir l’impression que tout est à jeter, qu’on ne pourra jamais redresser la barre, qu’on ne sait pas quoi faire des retours (notamment quand ils manquent d’exemples concrets). Ça va passer.
Ensuite, faire le tri. Je relis tous mes retours en prenant seulement ce qui va vraiment me servir, je résume, je vois ce qui se recoupe entre les bêta-lecture, je copie-colle quelques citations, et surtout, je classe tout ça dans différentes thématiques.
Typiquement, dans mon roman actuel, j’avais une liste “Shin doit payer !” (car on m’a remonté qu’il manquait de répercussions par rapport aux actes de mon personnage), ou encore “Renforcer la place de l’Ordre” (un élément d’univers pas assez montré tout au long de l’histoire, ce qui posait soucis), des sections propres à des personnages, à des passages… et bien sûr le “vrac” pour toutes les remarques qui ne vont nulle part.
Le but est de transformer les bêta-lectures (qui sont des textes souvent long car bien rédigé et tout n’est pas pertinent pour nous) en liste efficace et y noter les premières pistes pour répondre aux problématiques.
À la fin de cette étape, j’y vois plus clair sur les grandes lignes de mes corrections.
Maintenant, je dois entrer dans les détails et donc me replonger dans le texte.
L’auto-bêta-lecture
J’en parle en long, en large et en travers dans mon guide sur la bêta-lecture mais on va faire un récap’ ici.
Mon but va être de relire entièrement mon texte à tête reposée et de prendre des notes sur tout ce qui me pose problème, ce qui me plait, et mes idées pour la suite (bien qu’on cherche surtout le “quoi” et pas le “comment”, donc pas de panique si je n’ai pas les solutions).
Pour ça, je fais des listes pour chaque chapitre où je note plein de remarques et surtout, plein de questions, qui sont à la fois un moyen de poser des idées, de permettre au texte d’aller plus loin, ou de mettre à jour des incohérences.
Je résume les scènes en deux lignes grand max, histoire de pouvoir facilement savoir quand se passe quoi (ça me simplifie la vie pendant toutes les corrections).
Voici un exemple tiré de “Ces ombres sous ma peau” (de la fantasy) où, dans le chapitre 2, Shin (mon personnage principal) tombe sur une porte fermée dans la bibliothèque secrète et devra attendre que son amie lui fasse un jeu de clé pour l’ouvrir dans le chapitre suivant :
D’abord je questionne la pertinence de ce contretemps, puis une idée qui ouvrirait la voie à d’autres scènes de cambriolage (plutôt que forcer avec des clés standards). Sans surprise, ces histoires de cambriolage ne me servant nulle part ailleurs, j’ai choisi la coupe.
Ici, c’était facile, je l’ai senti presque tout de suite. Quand je ne sais pas ce que je vais faire, les commentaires sont bien plus larges. Autre exemple de chapitre 4 :
Là, ça se complique. Déjà, c’est un retour qui concerne plusieurs chapitres, il faut donc que je pense à une solution globale. J’ai besoin que Dine aide mon personnage à plusieurs reprises car elle a des compétences qu’il n’a pas. Aussi, Dine et Shin sont amies depuis très longtemps et Dine connaissant les problèmes de Shin, elle a tendance à lui pardonner des choses. Il faut donc trouver un juste milieu entre le pardon et la compréhension, et intégrer ça dans toutes les scènes où Dine apparaît. En bonus, je sais par les bêta-lectures que les actes de Shin sont beaucoup trop pardonnés.
C’est donc le genre de point que je me laisse pour plus tard, quand j’aurais ma vision d’ensemble, même si je note déjà des pistes.
Annoter son texte
Depuis quelque temps, j’annote directement mon texte pendant la phase de lecture avec le système de commentaires. Je n’en avais pas ressenti le besoin avant car, mon “style” et mon fond étant encore très mouvants, j’avais donc tendance à tout réécrire en grappillant des phrases par-ci par-là. Aujourd’hui, c’est un peu moins le cas.
J’aimerais commencer par parler des pièges de cette pratique car annoter prend beaucoup de temps.
Déjà, en se concentrant sur les phrases, on peut se dire que les notes dans le texte suffiront, qu’il n’y a pas besoin de prendre des notes plus globales. On peut finir par corriger uniquement la forme et donc avoir les mêmes problèmes qu’au début des corrections, ce qui peut être très décourageant.
Également, il peut être difficile de faire la part des choses entre une annotation utile ou du pinaillage (car il y aura toujours des choses à changer), surtout quand on débute et que notre manière d’écrire est en pleine évolution.
Au final, un bon nombre d’annotations ne me servent pas car, même si une scène peut avoir peu de changements niveau fond, l’effet “boule de neige” des corrections (plus on corrige, plus ça a des conséquences sur la suite du texte) peut faire que les phrases concernées ou mes remarques ne sont plus pertinentes.
Cela rejoint l’importance d’avoir également des notes globales pour le chapitre pour définir la direction générale qu’on souhaite donner aux corrections, et pas juste se focaliser sur le détail.
Tout ça est à garder en tête quand on annote, surtout quand on sent qu’on commence à y passer beaucoup de temps.
Bon, assez de mise en garde ! Annoter me permet de gagner du temps pour les scènes qui vont peu changer et, surtout, d’être une béquille quand je commence à perdre en recul et en motivation (moments où je peux manquer de vigilance ou être tellement dans l’histoire que je ne suis plus assez explicite).
Les commentaires font directement ressortir les problèmes de formes, les phrases trop neutres/vagues, les répétitions d’idées, les points à ajouter, développer ou supprimer, ceux qui n’étaient pas clairs ou pas explicités au bon endroit… J’y mets aussi des questionnements, que je déporte dans les notes du chapitre dès qu’elles ont besoin d’être réfléchies de manière globale. Si j’ai déjà fait des choix de correction (par exemple retirer une situation), je commente aussi les moments qui vont sauter/changer. C’est très au cas par cas.
J’évite de corriger directement dans le texte (hors typo vraiment retorses) car ça prend du temps et ce qui me semble pertinent sur le coup ne le sera peut-être pas avec le recul. J’évite aussi de trop en faire car c’est facile de tomber dans le “tartinage” de commentaires sur chaque mot et donc de se surcharger d’informations tout en se concentrant uniquement sur la forme (surtout qu’on ne sait pas forcément si le passage va rester).
Pour chaque commentaire, je pense à mon moi du futur qui les lira dans quelques mois avec un possible ras-le-bol. Je réserve contre les “HEIN ?” ou “pfffff” à des phrases explicitement pourries, j’explicite au maximum mes retours et je mets mes idées de corrections.
J’y mets aussi du positif à travers mes réactions, mes surprises, les moments que je trouve réussis, etc… C’est un pilier nécessaire pour comprendre ce qui fonctionne, pour contrer l’envie de tout modifier et aussi, pour garder la motivation pendant les phases de doutes.
Le synopsis court
Le synopsis (dans le monde de l’écriture) est un court résumé de A à Z du roman.
J’ai commencé à en faire pour le concours Rageot qui en demande un de 5000sec maximum. C’était très difficile, surtout que je commençais avec “Ce qui dort dans la Terre”, qui est le tome 1 d’un diptyque fantasy qui fait presque 700ksec, avec pas mal de mystères à développer. J’avais du mal à couper, tout me paraissait important, nécessaire à la compréhension de l’histoire et aussi ce qui faisait le sel du roman…
Après pas mal de relectures extérieures, j’ai fini par comprendre que je devais trouver ce qui était le plus important pour moi avec cette histoire, ce qui m’a aidé à avancer pour le syno et aussi pour mes corrections.
Aujourd’hui, ce synopsis court est devenu un outil de réflexion (en correction et en premier jet) qui me permet d’aller à l’essentiel, de mieux mettre en avant qui me tient vraiment à cœur (et donc de le renforcer dans l’histoire)
Et puis il faut bien se préparer au synopsis de soumissions pour le futur !
Trouver comment corriger
Faire le point
Suite aux étapes précédentes, on a potentiellement une grande quantité de notes, d’idées, de blocages, de questions, de doutes… Parfois, on a juste besoin de temps, le temps que les solutions émergent, qu’on trouve la direction que l’on veut suivre. Parfois, on est juste submergé par la masse de travail qu’il reste à accomplir.
Pour l’instant, on a surtout posé des problèmes, maintenant, on va vouloir les organiser afin d’y trouver des réponses satisfaisantes, et ne pas avoir à relire des tonnes de notes pendant l’application des corrections.
Je reviens souvent à “qu’est-ce que je veux avec ce texte ?” durant cette étape, je relis mes notes, je pose d’autres questions à mes bêta-lecteurices...
C’est la partie où je saute le plus entre les outils car je suis mes idées et elles ne viennent pas forcément dans l’ordre, tout en gardant en tête que le but est de créer des notes les plus courtes et pratiques possibles.
Traiter les points globaux.
À ce stade, on a normalement une liste des problèmes transverses à tout le texte, notamment grâce aux retours de bêta-lecture.
En général, je travaille plus par “thématiques” que par univers, personnages, etc… car tout est lié et c’est pour moi le moment de regrouper mes idées dans du concret.
Dans mon projet actuel par exemple, j’avais une thématique “Renforcer la place de Janis” (un personnage important mais pas assez exploité) :
J’ai donc fait une liste à la fois des retours que l’on m’a faits sur ce personnage, ce que moi je voudrais, des pistes concrètes pour intégrer ces changements/solutions et surtout, le “pourquoi” je voudrais faire tout ça.
Ça passe par une liste de questions et d’idées, souvent liée à la résolution d’un problème (“Est-ce que Janis pourrait avoir tel problème en plus et donc renforcer le besoin de fuir ?”, “L’utiliser pour montrer pourquoi Shin aime les sciences et a déjà de l’expérience”), des mises en garde (“Attention à ne pas occulter Dine (plus de temps à la forge pour compenser ?)”), ou parfois juste des choses dont j’ai envie, pour donner plus d’ambiance, de “couleur”, ou renforcer un thème du roman. Je mets aussi parfois directement des citations venues des bêta-lectures.
Quand j’ai des passages à réécrire, notamment quand ils concernent plus qu’une simple scène à modifier, j’en fais aussi une thématique pour brasser les idées de nouvelles scènes, de ce dont j’ai envie, en quoi ça répond à une vraie problématique (pour éviter de “réécrire pour réécrire”) et m’extraire autant que possible du déroulé actuel.
À la fin (après des jours et des jours d’aller-retour pour fouiller chaque point), je me retrouve avec une liste de thématiques qui ont elles-mêmes une liste de points divers. Il n’y a pas forcément de solution à tout mais je n’ai normalement plus besoin de regarder les bêta-lectures. C’est donc un gain de lisibilité vraiment agréable pour la suite, notamment pour s’appuyer dessus pour entrer dans le vif de chaque chapitre.
Traiter les changements de fond locaux
Après avoir fait le point sur les changements globaux, on doit voir plusieurs cas de figure se détacher pour certaines parties du roman : celles où on a “seulement” des adaptations à faire, et celles qui vont radicalement changer.
Le but de cette partie est de déterminer comment on va concrètement corriger ce qu’on veut changer dans le texte. C’est un moment assez difficile car, même s’il y aura toujours des changements en cours de route, on ne peut plus repousser nos questionnements existentiels à plus tard (enfin, si, mais notre nous du futur va nous détester).
Commençons par le plus “facile” : les adaptations.
Normalement, on a déjà une liste de points relevés pendant la phase de lecture (et les annotations), c’est le moment de la rendre plus pertinente en y ajoutant les modifications concrètes qu’on veut apporter, en fonction de ce qu’on a décidé dans la partie globale notamment, et en faisant le tri sur ce qu’on va vraiment garder (toujours pour limiter le nombre d’informations à lire pendant les corrections). Ces chapitres n’ont pas besoin de beaucoup d’attention à cette étape si on a déjà fait les étapes précédentes. Comme pour l’annotation du texte, on ne veut pas se surcharger d’informations et de travail.
Quand un chapitre, une scène, ou même tout un arc doit être réécrit, les choses se compliquent. Si on se base uniquement sur les “problèmes” de chaque chapitre en relisant les notes de ceux-ci, on risque de ne pas assez corriger le fond, et simplement mettre des “pansements” locaux qui ont peu de chance de résoudre les problèmes globaux. C’est un moment difficile car on doit réussir à s’extraire du déroulé actuel, réfléchir plusieurs chapitres en même temps, faire le deuil de scènes et… trouver de nouvelles idées.
Pour cela, je fais comme pour mes premiers jets : je brasse des idées, puis je fais un plan léger pour avoir les grandes lignes, puis un plan détaillé pour avoir le déroulé complet. À chaque fois, je relis la liste d'éléments que je dois résoudre avec les changements, pour m’assurer que je modifie dans le bon sens.
Réécrire, c’est long, donc autant s’assurer en amont qu’on n’ait pas en train de refaire le même déroulé avec juste quelques détails qui changent (ce qui m’arrivait pas mal lors de mes premières corrections, ça se voit aux bêta-lectures suivantes : on a les mêmes soucis de fond qui reviennent, ici, c’était les motivations pas claires). Plus facile à dire qu’à faire… mais c’est souvent nécessaire.
Je ne vais pas aller plus loin dans le détail car tout dépend énormément du texte et de nos intentions. Malheureusement il n’y a pas de méthode magique pour savoir ce qui doit être réécrit ou non, là où on s’acharne à recorriger pour rien, etc… à part recevoir des bêta-lectures de personnes de confiance. Mais pour ça, il faut déjà avoir corrigé !
Et à la fin de cette partie, on doit déjà y voir plus clair sur la quantité de travail à venir. En fait, on vient de faire le fameux “plan de correction”, notre guide tout au long de l’étape finale… même si on sait que certaines choses vont l’affiner en cours de route.
Résumer tout ça et échanger
J’aime faire des retours de ce que je compte changer par chapitre à mes bêta-lecteurices, autant pour qu’iels voient le fruit de notre travail que parce que ça me force à faire un résumé compréhensible, concis et complet de ce que je vais concrètement changer.
Mon but ici est donc d’avoir des grandes lignes par “partie” (particularité de mes textes) et surtout, par chapitre avec mes habituelles listes à points. Pour les parties à réécrire, je résume en quelques phrases la nouvelle mouture et le “pourquoi”.
J’ai pour l’instant rarement de retours là-dessus de la part des bêta-lecteurices (mais plus j’avance, plus j’en viens à discuter avec elleux plutôt en amont pour trouver des idées, faire le tri, pleurer que c’est trop dur l’écriture…), mais je vais revenir assez souvent sur ce résumé pendant les corrections car c’est le document le plus “propre” que j’aurais produit, le plus facile à manipuler.
Y a plus qu’à…
Ça y est. On a trié toutes nos idées, trouvé des solutions concrètes, on est à l’aise dans notre texte, on sait où on veut l’emmener pour cette passe… Il va falloir affronter la montagne.
Cette fois, je n’ai plus vraiment d’outils mais plutôt des étapes, car je corrige de manière chronologique/linéaire, en trois passes (corrections puis relecture puis Antidote). À noter qu’il existe d’autres manières de faire, notamment par thématiques, que je ne détaillerai pas ici car je ne les pratique pas (pour l’instant).
Tout du long, j’évite de revenir en arrière, je préfère prendre des notes pour la phase de relecture pour affiner les derniers points minimes. Plus j’avance, plus j’ai des doutes pas forcément fondés, c’est donc ma manière de me protéger des corrections qui n’en finissent pas.
Ça m’oblige aussi à “bien” corriger, c’est-à-dire sans laisser de trous, en prenant le temps de bien réfléchir et sans course à la productivité. Également, cette méthode me permet de savoir réellement ce qui est terminé ou non, ce qu’il me reste à faire, ce qui est une motivation supplémentaire.
Réussir à commencer
J’en fais une section à part car c’est un sujet récurrent pour moi. La préparation, aussi détaillée et concrète peut-elle être, reste de l’abstrait et une phase où mon cerveau est en ébullition avec plein de pistes, d’idées, où tout est encore possible et facile à modifier.
Là, on se retrouve devant une montagne à gravir, avec un roman qu’on a peut-être pas touché depuis des mois. En bonus, le premier chapitre a souvent le droit à pas mal de modifications, donc on rentre dans le vif des difficultés. D’autant que je repars à chaque fois avec un fichier vide où je vais copier/coller des bouts de la version précédente, ça peut faire peur.
Actuellement, la seule méthode que j’ai trouvée est de commencer en groupe, soit avec une session d’écriture IRL avec mes potes d’écritures, soit à distance, histoire d’avoir cette petite “pression” d’avancer coûte que coûte comme tout le monde écrit autour de moi. Une fois le début posé, ça va mieux.
Appliquer les corrections
Comme je corrige chapitre par chapitre, dans l’ordre, ma méthode est assez simple.
Au début de chaque chapitre, je relis les notes générales de celui-ci et je passe rapidement en revue les annotations pour savoir ce qui m’attend.
Le cas le plus facile, ce sont les chapitres où il n’y a que des “adaptations” à faire, c'est-à-dire des corrections assez mineures et faire en sorte de coller aux modifications des chapitres précédents. En général, je sais déjà ce que je veux, et il n’y a qu’à copier-coller les phrases qui me conviennent et modifier le reste. J’utilise beaucoup les annotations car le fond est déjà assez solide et, en général, je suis d’accord avec mon moi du passé qui avait déjà pas mal de recul (parfois plus, surtout à mesure que j’avance et que je suis de plus en plus dans le texte et que la motivation se fait la malle).
Ça se complexifie quand une partie du chapitre va pas mal changer mais pas assez pour justifier un plan. Si, une fois mes notes relues, je sens que j’en ai finalement besoin, j’écris le bout de plan rapidement, sinon, je me lance comme ça.
Le dernier stade, c’est la réécriture complète. Si je n’ai pas déjà fait mon plan détaillé, je maudis mon moi du passé et… je le fais. Ça peut m’arriver quand je bloque vraiment pendant la phase de réflexion, où je sens que je vais déjà devoir avancer dans l’histoire pour vraiment comprendre comment je veux appliquer ce que je veux. J’essaie d’éviter ça au maximum car ça me fait à la fois déprimer et perdre plein temps et de motivation, mais parfois, il n’y a pas le choix.
Comme pour le premier jet, le plan reste un outil, pas une contrainte, donc je n’hésite de toute façon pas à changer d’idées en cours de route, en gardant bien en tête ce que cette réécriture devait résoudre comme éléments.
Une fois que j’ai corrigé chaque chapitre ainsi, je considère que le fond ne va plus bouger pour cette phase, et donc que le plus gros du travail est terminé !
Arriver à ce résultat me prend plusieurs mois, et, si ça peut vous rassurer, je vois de mieux en mieux le temps que les choses vont prendre. Ça ne m’empêche pas d’avoir parfois l’impression que je n’arriverai jamais au bout de cette phase… mais bizarrement j’ai toujours réussi.
Chapitre par chapitre, à mesure que les cases deviennent jaunes (fond terminé) puis vertes (forme terminée), ça avance, et, un jour, c’est terminé.
La relecture finale
Après avoir terminé le fond, c’est parti pour une phase assez agréable et surtout, bien plus rapide. Le but de cette relecture est de partir à la recherche des phrases bancales, de petits trous ou manques (notamment niveau information ou ambiance), et de traiter la “todo-list” faite pendant la phase précédente.
Une possibilité est aussi de tout lire à voix haute, pour se “forcer” à lire vraiment les mots, sentir le rythme des phrases, les mots étranges, etc… C’est assez long à faire mais c’est une lecture active qui aide vraiment, surtout quand on débute.
À noter qu’on veut lire rapidement, sans s’attarder sur chaque mot pour avoir tout le texte en tête et, surtout, pour ne pas retomber dans un nouveau cycle de modifications inutiles. Oui il va rester des doutes, des passages qu’on pourrait améliorer, mais tant pis ! L’important, c’est d’avoir une nouvelle version lisible, elle ne sera jamais parfaite.
Orthographe, répétitions et autres joyeusetés
Aller… on passe à la pire des étapes à mes yeux : la forme “pure”.
C’est une étape à adapter en fonction de votre niveau de français et à l’avancée de votre projet. Pas la peine de passer des plombes à soigner chaque phrase, à traquer des répétitions et compagnie, alors qu’on risque de faire changer beaucoup de scènes après la phase suivante de bêta-lecture.
Attention également : à traquer tout ce qu’on nous dit être “mauvais” (verbes dits “faibles”, adverbes, etc…) ou toutes les répétitions, on peut rendre le texte artificiel et lourd. Personnellement, je n’ai jamais fait de “traque” de ce style et on ne me l’a jamais remonté comme étant problématique. Le plus important est de connaître nos biais (par exemple, à une époque, j’avais vraiment beaucoup de mots en -ant) car ils peuvent nous montrer le genre de structure de phrase qu’on utilise par défaut. C’est quelque chose qui vient petit à petit. Si l’histoire est intéressante, si les bêta-lecteurices savent faire la part des choses, ça ne freinera pas la lecture.
De mon côté, j’utilise une ancienne version du logiciel Antidote. Il a PLEIN d’options mais je me contente de l’utiliser pour les fautes d’orthographe, la typographie (tiret, espace, etc…) et pour son outil “répétition” qui les surligne toutes et donc permet de voir s’il y en a des vraiment mauvaises, ou si un endroit en est truffé.
Je ne corrige absolument pas tout ce qu’Antidote me dit (typiquement je n’aime pas les virgules systématiques avant les “mais”, je ne les mets pas). De toute façon, il ne voit pas tout (typiquement, les rythmes de phrases), et il n’a pas toujours raison, loin de là. C’est une aide, rien de plus, et il faut vraiment faire attention à ne pas tomber dans le pinaillage contre-productif. Si déjà on ne fait que les fautes, c’est très bien. Mieux vaut lire à voix haute que de passer des jours entiers à écouter un logiciel.
Pour finir, la raison pour laquelle je fais ces corrections à la toute fin, c’est pour ne pas me couper dans mon élan d’écriture (je déteste vraiment cette étape et je laisse encore trop de fautes pour m’en passer), et aussi pour m’autoriser des modifications à la phase de la relecture.
Mais à vous de voir ce qui est le mieux pour vous !
C’est fini ?
Aller, on lâche les stylos ! Oui, il reste des choses améliorables, des doutes, plein de “et si…”, c’est tant pis ! Après autant de temps face au texte, avoir un retour extérieur devient une nécessité pour avancer sans s’embourber, sans passer des mois à refaire la même chose.
Je sais, ça fait peur, c’est souvent compliqué de trouver des bêta-lecteurices, mais c’est un gain de temps et de qualité sans pareil.
La dernière étape est donc de trouver des gens impliqués pour recevoir une bonne bêta-lecture, de savoir ce qu’on attend de ces retours, les attendre…
Mais avant… se féliciter d’avoir réussi cette étape si énorme ! Ne sous-estimons pas à quel point c’est difficile d’arriver au bout, de garder la motivation, de surmonter les doutes et cette saleté de corrections de forme !
Alors, déjà, c’est le moment de souffler et d’oublier qu’on va bientôt recommencer avec ce texte ou un autre…/span>
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