Comment j’ai corrigé… Apprendre la peur
Ça y est ! Après quasi cinq mois de travail, j’ai fini de corriger mon roman d’urban fantasy YA « Apprendre la peur » ! Une grande étape dans la vie de ce projet commencé en 2017 !
Bon, en réalité, ce n’est ni la première ni la dernière fois que je le corrige mais qu’importe, on est là pour parler de comment je suis arrivée au bout de cette phase.
Si vous voulez savoir ce que ça peut être de corriger un vieux projet avec l’aide de bêta-lecture et vous êtes au bon endroit !
C’est quoi ce projet ?
Pour faire simple, « Apprendre la peur » est un one-shot d’Urban Fantasy YA d’aujourd’hui 543ksec (96k mots, 200 pages de doc environ), qui parle de discriminations, de famille choisie et de vivre avec des différences. Il raconte à peu près ça :
Dans un futur proche, Anne, 12 ans, en a assez de son quotidien ennuyeux et de son entourage plein de haine envers les « non-humains » révélés depuis peu. Quand son corps commence à changer, elle est tiraillée entre se cacher ou faire face à l’injustice… Mais a-t-elle vraiment le choix ?
C’est mon premier projet abouti, autant dire qu’il partait de TRÈS loin. Pour faire un historique au début des corrections :
- De janvier à octobre 2017, j’écris le premier jet comme le début d’une série (mais ça, c’était avant)
- Entre novembre 2021 et juillet 2022, je le réécris car l’histoire ne me correspond plus niveau fond (et forme bien entendu, vu mes progrès)
- Entre septembre 2023 et mai 2024, je réécris encore pour affiner l’histoire et en faire un vrai one-shot. Je sais enfin ce que je veux vraiment pour ce texte
À ce moment-là, j’aimais mon texte mais je sentais qu’il avait des faiblesses. Il était largement temps de recevoir des avis extérieurs. On en parle tout de suite.
Réception des bêta-lectures
De juin à fin août 2024, j’attends mes retours en corrigeant un projet fantasy « Ces ombres sous ma peau », histoire de m’occuper et aussi, de me sortir la tête d’Apprendre la peur.
Lorsque je reçois mes deux belles synthèses (merci encore Nastasia et Laetitia !), je me roule en boule sous ma couette, puis je commence à réfléchir. Dès le début, des axes d’amélioration globaux me sautent aux yeux :
- Ma partie 3 (sur 4) a des faiblesses scénaristiques, et il y a des incohérences plus globales liées à des motivations de personnages peu réalistes et au fait que...
- … je n’ai pas assez expliqué le contexte de mon histoire (la place de mes non-humains, leur variété, l’état de la société…) et donc ce que risquent les personnages si on découvre leur non-humanité.
- Anne, mon personnage principal, est trop adulte et surtout trop perspicace pour son âge (12 ans). Pareil (dans une moindre mesure) pour mes autres personnages enfants (soit quasi tous les personnages), notamment pour leur relation avec leurs parents (qu’ils détestent tous, ce qui n’est pas logique).
Ça, c’est pour le « négatif ». Je retiens aussi :
- Que mes lecteurices ont dévoré l’histoire et adoré ses personnages. Iels ne l’ont aussi pas trouvé trop déprimante (une de mes peurs).
- Mon parallèle entre non-humains et communautés queer est assez clair
- Que la rupture entre ma partie 1 et les suivantes n’a pas dérangé, au contraire. Pareil pour l’absence de certains personnages clés pendant la moitié de l’histoire.
Comme d’habitude, ce n’est pas ce que je craignais qui pose problème, d’où l’importance de la bêta-lecture.
J’écris alors une « synthèse des synthèses » afin de mettre au clair mes premières conclusions et pistes d’amélioration. Ça permet d’à la fois demander des précisions aux bêta-lecteurices, de leur permettre de rebondir sur mes idées, de les remercier, et aussi de jeter mes réactions à chaud pour le futur. Je n’ai bien sûr pas les réponses à tous les problèmes à ce moment-là mais ce n’est pas grave : j’ai du retard sur mes corrections de « Ces ombres sous ma peau » donc je ne pourrais commencer celles d’Apprendre la peur que dans plusieurs mois.
Le plan de corrections
Mi-décembre 2024, je termine enfin les corrections de « Ces ombres dans ma peau » (qui part en bêta-lecture dans la foulée), il est donc temps de revenir sur « Apprendre la peur ».
Je relis les synthèses que j’ai reçues, les notes que j’avais prises, je me remets dans le bain. De nouvelles idées me viennent, des solutions surtout.
Je tente une nouvelle façon de faire : j’annote directement mon texte en plus de prendre des notes à côté. Ça ne m’était jamais arrivé car j’ai toujours énormément réécrit suite à mes autres bêta-lectures. Là, je sens que je peux garder pas mal de choses.
Je mets des commentaires sur tout ce qui me dérange : des phrases ou des bouts de scènes qui ne seront plus d’actualité avec mes changements prévus, des choses à développer, des éléments pointés par mes bêta-lecteurices, un verbe ou mot à changer… mais aussi ce que j'aime, les moments qui me touchent particulièrement, etc... (ne jamais oublier le positif)
Parfois je détaille ce que j’aimerais à la place (le format commentaire m’aide à garder ça concis), parfois je me contente d’un « Trop adulte » ou « QUI PARLE ? » (car ça m’énerve d’avoir ce cas pour la 6ème fois du chapitre). Quand je sais qu’un passage ne va pas du tout rester, je ne m’embête pas à commenter. Mon but est d’être efficace, de réfléchir et préparer la suite, pas de me surcharger d’informations.
En parallèle, je prépare une liste de ce que je voudrais modifier par chapitre. Ça me permet de prendre du recul par rapport aux notes dans le texte, de préparer mes nouvelles scènes, de mettre côte à côte les retours que j’ai reçus et les solutions que je veux appliquer.
Pour les chapitres déjà ok, ça sera deux phrases et surtout des annotations dans le texte, pour d’autres, ce sera des paragraphes avec mes réflexions pour la réécriture, notamment sur la partie 3 qui devra beaucoup changer.
Voici un exemple pour le chapitre 2 :
- Effacer la confusion vrai rêve/grotte et Anne doit vraiment s’inquiéter ce qu’il s’est passé. Que ça puisse l’avoir suivi. Appuyer la peur plutôt que l’attente face au noir ?
- Mettre de la tendresse entre maman et Anne.
- Retirer la blessure de Anne, elle va au chapitre 3
- Clarifier les pratiques ésotériques et religieuses et le rapport d’Anne à ça
- Prendre parti sur ce que ressent Anne face à ses changements : le noir lui fait peur mais à la fois, ça devrait l’exciter ? Elle devrait vouloir aller dans son rêve voir si le noir est vraiment parti, mais à la fois, elle a un peu peur d’avoir été trompée ?
- Pareil à l’école, elle a peur mais ça semble pas vraiment justifié, notamment qu’elle se sente si observée alors qu’on a pas encore vu son harcèlement. (enfin juste un peu dans la première scène quand même). Et elle doit quand même être soulagée.
- Et j’en passe…
Au bout de deux semaines environ, tout est annoté, j’ai mes points importants pour chaque chapitre, je n’ai pas les solutions pour tout mais je verrais au fur et à mesure.
Y a plus qu’à !
Corriger pour de vrai
Déjà, étape 1 : réussir à s’y mettre. C’était facile de lister quoi changer mais il reste une montagne à gravir, d’autant que le chapitre 1 va avoir le droit à pas mal de changements.
Finalement, j’arriverais à commencer grâce à une après-midi d’écriture avec des amies. La première scène me prend beaucoup de temps mais dès la suivante — où les changements sont mineurs — la machine est lancée. J’aimerais corriger une partie par mois (j’en ai quatre donc de janvier à avril) et avoir deux semaines début mai pour corriger la forme.
Pour travailler, j’ai d’un côté mon fichier tout neuf, de l’autre ma version précédente annotée et mon fichier de notes (oui, trois fenêtres). À chaque chapitre, je relis ce que je veux changer et, sauf cas de réécriture, je reprends ce que j’ai dans mon autre version, je copie/coller, je modifie, je rajoute, etc…
Je revois la première partie du 10 au 27 janvier, ça coule tout seul car à part le premier chapitre assez différent et deux autres scènes pas mal modifiées comme j’ai déplacé un événement, je reste en terrain connu.
Pour la partie 2, ça se complique à partir du chapitre 4 sur 7. Je change les motivations des personnes qui passent de “on veut s’enfuir et vivre de manière autonome” à “on veut trouver de l’aide” afin de corriger une incohérence car, mine de rien, ça reste des enfants. Il y avait aussi deux scènes où l’héroïne explorait son nouvel environnement qui n’avait pas trop d’utilité que je réécris pour garder seulement certains éléments clés.
Je termine quand même le 24 février, dans les temps.
Et arrive la partie 3. Elle est plus courte, ne compte que 4 gros chapitres mais a une difficulté majeure : je vais devoir changer quasi complètement les trois premiers chapitres et la seconde moitié du quatrième. Le but est de corriger des facilités scénaristiques, de mieux préparer la partie 4 et d’adapter tout ça pour coller à mes modifications précédentes, surtout au niveau des motivations des personnages.
Je galère énormément. Je n’ai plus de commentaires sur lesquels m’appuyer, quasi aucune phrase à reprendre et j’entre dans une phase de doute assez intense. J’arrive moins à m’y mettre après le travail, plusieurs week-ends sont pris par des choses très chouettes mais fatigantes. En bonus, les bêta-lecteurices avancent sur mon autre texte mais je n’ai pas leur sentiment sur s’iels prennent du plaisir ou pas à le lire, ce qui n’aide pas mes doutes.
J’avance quand même petit pas par petit pas, d’abord en écrivant le plan détaillé de chaque chapitre (je ne l’avais pas fait pendant l’étape du plan de corrections, erreur…) puis en écrivant parfois seulement un paragraphe.
Je ne retrouve pas mon rythme effréné du début mais finalement, je termine le 7 avril, en retard mais pas tant que ça. Le plus dur est passé.
Je commence la partie 4 dans la foulée. Je reviens dans des passages où il y a beaucoup d’adaptations (notamment pour clarifier une des conclusions de l’histoire, pour mieux faire coller les réactions des personnages à ce que je veux transmettre) et peu de réécriture, c’est bien plus simple. À chaque chapitre terminé, la fin devient plus réelle. Je pleure sur la scène la plus triste de mon roman, ça me rassure car j’ai parfois l’impression d’être de plus en plus “loin” du texte à force de le travailler.
C’est finalement le 1er mai que s’achèvent les corrections de fond, donc quasi dans les temps.
Là commence la partie forme. Pour ce texte, je voulais tout relire attentivement depuis le début, puis passer le tout dans Antidote pour corriger les fautes et réduire les répétitions. Relire me plait car c’est assez rapide et ça fait plaisir de pouvoir le lire en entier, mais Antidote… il s’est fait insulter plusieurs fois. C’est répétitif, pas créatif, chiant, je le hais ! Et j’en ai malheureusement toujours besoin.
Je procède partie par partie (sauf pour le premier chapitre que je finalise en dernier car j’hésite sur un point), d’abord relecture puis corrections, et je profite de ma semaine de vacances pour avancer à toute vitesse.
Le 12 mai, c’est terminé pour de bon ! Je finalise le fichier en ajoutant les sujets sensibles abordés (disponible à la toute fin du fichier), je préviens le monde entier (surtout mes bêta-lecteurices) et je mange de la tarte aux pommes.
Et maintenant ?
Vu le nombre de modifications que j’ai appliqué, notamment au niveau des motivations des personnages et surtout le manque d’informations pointées par mes bêta-lecteurice, j’ai besoin d’une nouvelle passe de bêta-lecture pour valider que je n’ai plus d’incompréhensions.
Le texte est donc reparti en bêta-lecture et j’aimerais m’y remettre en septembre, histoire de le peaufiner avant de l’envoyer début 2026. Le temps passe si vite !
En conclusion
J’ai tenu mes délais ! Même si ça reste encore long à mon goût, c’est la première fois que je réussis à bien planifier mes corrections, en termes de contenu et de temps, avec suffisamment de marge pour amortir les baisses de motivations, les doutes et les questionnements qui arrivent forcément en cours de route.
Savoir vraiment ce que je voulais pour cette histoire m’a beaucoup aidé à comprendre ce que je voulais corriger et surtout, comment je voulais corriger. Avoir pris le temps de réfléchir, d’annoter mon texte, m’a permis d’y voir clair et de me poser moins de questions en cours de route.
Je ne regrette pas d’avoir repoussé les corrections de forme à la toute fin. J’ai pu relire tout le texte d’une traite, en l’ayant plus en tête, de faire quelques modifications pour coller à mes choix pris en cours de route, et de moins couper mon élan d’écriture (je l’ai vu dans la partie 3, repartir sur de l’écriture après avoir dû faire du plan m’a demandé beaucoup d’efforts).
Après, chaque projet est différent, je le vois avec les retours reçus entre temps sur “Ces ombres sous ma peau”, donc je n’en tire pas une “méthode”. Et puis je progresse mine de rien !
Voilà pour ce projet ! Je viendrai probablement rajouter des mises à jour quand j’aurais reçu mes nouvelles bêta-lectures.
Rendez-vous dans quelques mois pour un “Comment j’ai corrigé” sur mon autre projet !